lundi 21 juin 2010

Réseaux Mobiles 3G+: Opportunités et Impacts politiques

«Le problème crucial de notre temps est engendré par la stagnation des théories politiques à une époque de progrès technologiques» [Cyril Northcote Parkinson]

Le réseau 3G+ est un réseau mobile de 3ème génération qui offre des services internet à très haut débit depuis un ordinateur ou un téléphone portable : internet, télévision en direct, vidéo à la demande, vidéoconférence, téléchargement de sons et d’images, etc. Sur le plan technique, le réseau mobile 3G+ utilise la technologie de communication W-CDMA(1) qui s’appuie sur le protocole HSDPA(2). Elle offre une capacité théorique de téléchargement qui peut atteindre 14,4 mégabits par seconde (Mbps), même si la plupart des opérateurs proposent à ce jour des solutions bridées avec des débits autour de 3,6 Mbps. Pour l’usager, la technologie 3G+ nécessite de disposer d’un téléphone mobile multimédia compatible 3G+, comme l’iPhone ou les Smartphones. Pour éviter des surprises dans ses factures, l’usager devra lire attentivement les clauses du contrat qui le lie à son opérateur préféré, notamment les clauses d’exclusion : temps de connexion, appels à l’étranger, nombre ou taille des fichiers téléchargés, appels spéciaux vers les annuaires ou les serveurs bancaires, appels vers des opérateurs concurrents, SMS illimités, etc.

Pour le citoyen, le réseau mobile 3G+ permet l’accès à une large offre informationnelle publique et privée avec les bouquets pluri-médias payants ou gratuits. Il devient un citoyen mieux informé, donc plus exigent quant au contenu et à la qualité des services qu’il attend de ses gouvernants. Pour les entreprises, les solutions qu’apporte la technologie 3G+ présentent de réelles opportunités pour optimiser leurs processus et accroître leurs performances et leur profitabilité en investissant dans des secteurs nouveaux sur des marchés globaux.

A vrai dire, l’avènement des réseaux mobiles 3G+, offre d’immenses opportunités économiques. En raison des mutations sociales induites, ils auront des impacts politiques considérables. Pour l’Etat, sa nécessité de s’adapter en permanence aux évolutions de la société et du monde, le mènera de manière inéluctable, à moderniser son organisation et son fonctionnement et à améliorer les services rendus aux citoyens, grâce à un ensemble de services et de solutions cohérents et intégrés dans un réseau mobile 3G+ accessible et qui connectera toutes les administrations centrales et décentralisées ainsi que les collectivités locales : e-gouvernement, e-justice, e-culture, e-douane, etc. Cependant, ces nouveaux services publics, ne doivent pas être de simples mises en ligne d’informations sur les sites Web des administrations publiques, mais impliqueront une profonde réforme de la structure et de l’organisation de l’administration sénégalaise qui devra se muter en fournisseur de services publics répondant aux besoins des citoyens et des entreprises. D’autre part, les réseaux mobiles 3G+ constituent des autoroutes vers les immenses opportunités offertes par le marché mondial de l’économie du savoir, qui assure une croissance durable et permet la création de nombreux emplois dans les services. Dans ce nouveau contexte, pour que notre pays puisse devenir un acteur majeur dans ce marché à haute valeur ajoutée, il faudra qu’il démarre une véritable stratégie nationale dans les nouvelles technologies, qui passe par l’assainissement du climat politique et économique, et axée sur des politiques publiques qui font de l’innovation et de la qualité un axe politique majeur. Outre la modernisation de l’administration, le développement des infrastructures et le renforcement du tissu industriel des Pme innovatrices, notre système éducatif, haut lieu de structuration de nos élites, devra être évolué vers une logique des compétences qui offre une véritable culture numérique, en raison des gigantesques possibilités apportées par les nouveaux réseaux. Dans le cadre d’une politique concertée d’aménagement numérique du territoire, des pôles d’excellence économique, dédiés aux technologies de l’information et de la communication devront être créés.

Mais encore, le réseau mobile 3G+ est un formidable levier pour reconstruire notre système démocratique, par la transparence qu’elle favorise, la performance, la fiabilité et la sécurité qu’elle apporte et par le fait qu’il place désormais le citoyen-électeur mieux informé au cœur du processus démocratique de dévolution et de contrôle du pouvoir. A travers l’élargissement de l’offre informationnelle dans tous les domaines (économique, social, sécurité, institutionnel, politique, etc.) et l’émergence de réseaux sociaux actifs, l’opinion publique sera renforcée et le contrôle citoyen mieux organisé et plus effectif. Les partis politiques qui aspirent à gouverner le pays à travers la collecte des suffrages des citoyens-électeurs, devront aussi moderniser et démocratiser leur organisation et leur mode de fonctionnement, dégager de nouveaux leaderships en phase avec la société, mais aussi proposer des offres politiques innovantes et de qualité qui épousent les nouveaux canaux de communication auxquels le citoyen-électeur est maintenant habitué. Par conséquent, leurs militants devront aussi être éduqués et formés pour pouvoir piloter ces projets de réforme interne et être apte à gouverner le pays, dès que les électeurs leur accorderont leur confiance. Si les partis politiques n’engagent pas de tels chantiers, alors les électeurs se détourneront d’eux au profit d’organisations sociales ou citoyennes mieux organisées et davantage à l’écoute de leurs préoccupations sociales.

De la même façon, notre système électoral ne pourra être en marge de cette évolution majeure. Avec l’avènement des réseaux mobiles 3G+ de 14,4 Mbps : qui comprendrait, que le citoyen-électeur en soit encore réduit, à attendre six mois avant de recevoir sa carte d’électeur, alors que la technologie lui permet de la recevoir séance tenante dès la fin de sa transaction d’inscription ? Qui comprendrait encore que les résultats d’une élection soient encore attendus dans une commission de recensement, alors qu’avec la vidéoconférence et les réseaux sociaux, les citoyens peuvent être informés en temps réel de l’issue du scrutin ? De tels scénarios, discréditeraient les institutions et structures en charge d’organiser et de superviser le vote, et avec elles toute la classe politique. C’est pourquoi, il me paraît urgent de réformer en profondeur tout notre système démocratique, pour l’adapter aux mutations technologiques et sociales de notre pays. A titre d’exemple : dans le cadre de la réforme du processus électoral, l’Etat du Sénégal sera en mesure de créer un réseau certifié 3G+ de 14,4 Mbps qui interconnectera le Ministère de l’Intérieur, le Ministère de la Justice, la CENA, les 115 communes et les 370 communautés rurales du Sénégal. Lors du recensement physique des citoyens, qui suivrait l’audit du processus électoral(3), les commissions administratives de recensement ainsi que les agents de l’ANSD(4) pourraient être équipés de portables mobiles intégrant une carte 3G+ et embarquant un logiciel de saisie des fiches-personnes avec un contrôle biométrique, effectué par un serveur sécurisé qui enregistre les inscriptions. Si cinq cent (500) commissions administratives saisissent chacune cent (100) fiches-personnes par jour, cela correspondrait à cinq millions de sénégalais enregistrés en cent jours ouvrables soit, en cinq mois. Ainsi, un nouveau fichier électoral fiable et sécurisé avec un contrôle biométrique pourrait être recréé en cinq mois, à partir d’un rigoureux recensement national des populations. Tous ceux qui ne figureraient pas dans le nouveau fichier, seraient invités à se présenter dans des commissions départementales d’enregistrement, logées dans les préfectures et présidées par des magistrats, pour le contrôle de la nationalité et de la validité des droits civils et politiques de l’électeur. A l’évidence, le peuple sénégalais est tout à fait apte à relever un tel défi, mais c’est sa classe politique dirigeante qui est hésitante et frileuse, manque de volonté politique et d’ambition pour le pays. C’est pourquoi, je fais mien le mot de l’historien anglais Cyril Northcote Parkinson «Le problème crucial de notre temps est engendré par la stagnation des théories politiques à une époque de progrès technologiques».

En définitive, pour réussir une telle mission de transformation de la société et de l’Etat, notre pays aura besoin d’une vision portée par un Président de la République innovant, rassembleur et volontaire, incarnant l’unité nationale, donc équidistant vis-à-vis de toutes les chapelles économiques, politiques et sociales. Pourtant, les sénégalais ont suivi avec étonnement, le vendredi 11 juin 2010, le lancement par le groupe Sudatel, de son réseau mobile 3G+, sous la présidence effective du Président de la République, Me Abdoulaye Wade. A cette occasion, la presse rapporte du chef de l’Etat, une déclaration inédite au regard de sa fonction « … cette technologie avancée (3G+) n’existe pas en Afrique. Elle vient d’être y lancée pour la première fois la seule façon de soutenir ce projet, c’est d’acheter ce produit bénéfique surtout pour les populations rurales qui peuvent appeler et voir en même temps leurs parents émigrés… ». A la suite de ce lancement, Monsieur Emaddine Ousseyn AHMAD, Président Directeur Général du groupe Sudatel en compagnie d’une délégation, est reçu en audience par le Chef de l’Etat le 18 juin 2010. Ainsi, en une semaine, le groupe Sudatel a eu l’honneur de voir le Président de la République recevoir son PDG et présider le lancement d’un de ses produits phares.

C’est le groupe Sonatel/Orange où l’Etat du Sénégal détient 27% des actions, qui nous annonce par l’intermédiaire de ses représentants syndicaux, que cette technologie 3G+ a été testée au Sénégal lors du sommet de l’Oci tenu à Dakar au mois de mars 2008. En consultant tout simplement la presse du mois d’août 2008 (SudQuotidien du 6/08/2008), on s’aperçoit que le groupe Sonatel/Orange a lancé officiellement son réseau mobile 3G+ à Dakar depuis le 30 juillet 2008, suite aux tests concluants de l’Oci. Et si on s’intéresse aux nouvelles technologies en Afrique, on apprend qu’Orange/Mali dirigé par le sénégalais Alioune Ndiaye, a lancé son réseau mobile 3G+ le 26 mai 2010 à l’Hôtel Laïco Amitié de Bamako, bien après l’Ouganda et la Tunisie. Au mieux, Sudatel ne serait que le 5ème opérateur connu en Afrique à avoir lancé cette technologie 3G+. Pourquoi tout ce montage médiatique et politique sur une prétendue innovation, alors que le contraire peut être facilement démontré ? Qui a intérêt à entretenir de tels amalgames au plus haut sommet de l’Etat ? Toutefois, il y a un fait incontestable, et qui domine tout le reste, c’est que cette démarche présidentielle, au-delà de sa portée politique évidente, ressemble à un soutien appuyé au groupe privé Sudatel, un des trois opérateurs de télécoms qui opèrent au Sénégal(5). Dans ces conditions, les principes d’une concurrence loyale sont totalement bousculés. En guise de conclusion à cette contribution, je livre à nos gouvernants ces quelques suggestions:

1. Au nom de l’équité et de la justice, que l’Etat du Sénégal rende aussi un hommage public mérité à tous ces brillants ingénieurs et techniciens sénégalais qui ont réussi l’exploit d’amener le Sénégal et l’Afrique dans l’ère du réseau mobile 3G+, bien avant ceux du groupe Sudatel,

2. Que l’Etat du Sénégal défende et honore les symboles nationaux qui gagnent, parce qu’un peuple a besoin de s’identifier à ses champions nationaux, jamais à des étrangers ou à des canards boiteux,

3. Que l’Etat du Sénégal soit équidistant de tous les opérateurs de télécoms et exige d’eux le respect strict de leurs clauses contractuelles : service universel, services obligatoires, missions d’intérêt général, qualité, tarifs compétitifs.

Alioune SARR

Ingénieur Informaticien

Coordonnateur de l’Alliance Nationale des Cadres de l’AFP - aliounesarr99@gmail.com

1 : W-CDMA : Wideband-Code Division Multiple Access

2: HSDPA: High Speed Downlink Packet Access

3 : L’audit du processus électoral est prévu par des experts indépendants, grâce au soutien de l’UE et de l’USAID.

4 : ANSD : Agence Nationale de la Statistique et de la démographie

5 : Les opérateurs de télécommunication au Sénégal sont : Sonatel/Orange, Tigo/Millicom et Sudatel

vendredi 4 juin 2010

Fichier électoral: Enjeux de l’audit en 2010

Fichier électoral: Enjeux de l’audit en 2010.

La liberté et la démocratie exigent un effort permanent. Impossible à qui les aime de s'endormir.

[François Mitterrand]

http://www.walf.sn/contributions/suite.php?rub=8&id_art=64976

http://www.nettali.net/Fichier-electoral-Enjeux-de-l.html

http://www.senegaltribune.com/articles/5788/1/Fichier-electoral-Enjeux-de-laudit-en-2010/Page1.html

http://www.xelmi.net/public/public/news_det.php?id=520&lang=fra

http://www.leral.net/Fichier-electoral-Enjeux-de-l-audit-en-2010_a9320.html


Le fichier électoral, est une base de données contenant l’ensemble des listes électorales, des lieux de vote et des bureaux de vote au Sénégal et à l’étranger. Il est la composante électronique de la procédure d’inscription des électeurs (voters registration), qui elle-même fait partie des huit composantes du cycle électoral1, identifiées et codifiées par les Nations Unies. Au cœur du processus d’inscription des électeurs, il est l’élément central du cycle électoral et soulève des enjeux multiples: politiques, économiques, financiers et technologiques. Ainsi, les débats qu’il incite, font ressortir alors, la multiplicité, la complexité, l’interdépendance et la conflictualité de ces différents enjeux. Ces débats atteignent leur point culminant, à la veille de chaque échéance électorale importante où, à la faveur de la volonté récurrente des acteurs politiques d’avoir des élections libres, transparentes et crédibles, l’audit du fichier est remis au goût du jour.

L’audit du fichier électoral vient à la rencontre de trois attentes : une demande politique et citoyenne pour des élections, libres, transparentes et crédibles ; une demande institutionnelle, pour respecter et éclairer les dirigeants des institutions en charge de voter les budgets (Parlement), d’organiser et de superviser les élections (Ministère de l’Intérieur, CENA) ; une demande technique, parce la population électorale connaît des mutations permanentes et les technologies évoluent, et il est important de conjuguer ces deux réalités. Ce qu’il faut aussi comprendre, c’est que l’audit du fichier électoral, à l’image du mouvement des populations, doit être un processus permanent, qui s’inscrit dans un renouvellement perpétuel des méthodologies de conception et de gestion des données électorales. Comme tout processus qui engage des fonds publics importants, le processus électoral doit faire l’objet régulièrement d’un audit technique, financier et opérationnel. Et ses résultats rendus public.

Sur le plan théorique, le fichier électoral repose sur le principe démocratique consacré par la Constitution dans son article premier: la démocratie c'est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple. C’est à travers le vote des personnes inscrites dans le fichier électoral, que le peuple sénégalais exprime sa souveraineté en choisissant librement ses gouvernants. En raison de cet enjeu politique majeur, le fichier électoral doit disposer d’une caractéristique essentielle : la fiabilité (Reliability), définie par le comité électronique internationale (CEI/ISO), comme l’aptitude d’un dispositif à accomplir une fonction requise dans des conditions données pour une période de temps donnée. Pour le fichier électoral, la fiabilité est donc la probabilité de n'avoir aucune défaillance durant les moments électoraux.

Sur le plan réglementaire et légal, sa composition et son organisation sont codifiées par la loi électorale, dans ses articles L.22 et L23: « sont électeurs les sénégalais des deux sexes, âgés de dix huit (18) ans accomplis, jouissant de leurs droits civils et politiques et n’étant dans aucun cas d’incapacité prévu par la loi. Sont aussi électeurs les étrangers naturalisés sénégalais qui n’ont conservé aucune autre nationalité en application de l’article 16 bis du Code de la nationalité Sénégalaise et les femmes étrangères qui ont acquis la nationalité sénégalaise par mariage, au moment de la célébration ou de la constatation du mariage sauf opposition du gouvernement par décret pendant un délai d’un an en application de l’article 07 du code de la nationalité sénégalaise. »

Rappels historiques

Au Sénégal, plusieurs années historiques sont à rappeler : l’année 1977, où a été constitué le premier fichier électoral informatisé en vue des élections de 1978. L’année 2000, où la loi 2000-25 du 1er septembre 2000, portait mise à jour des listes électorales, constituées par les électeurs ayant voté au 1er ou au 2nd tour de l’élection présidentielle de 2000 : le nouveau noyau dur est alors constitué de 1.926.241 électeurs. L’année 2004 où la loi 2004-32 du 25 aout 2004: annule toutes les listes électorales et prescrit l’établissement de nouvelles listes basées uniquement sur une carte nationale d’identité numérisée. Cette refonte aboutit à un nouveau fichier électoral avec 4.917.160 électeurs théoriques à la fin de l’opération le 15 septembre 2006. C’est ce fichier qui a permis l’organisation de l’élection présidentielle du 25 février 2007, avec 3.424.926 suffrages valablement exprimés. L’année 2008 avec les décrets (n° 2008-747 du 10 juillet 2008, n° 2008-749 du 10 juillet 2008, n° 2008-1496 du 31 décembre 2008) portant création de nouvelles collectivités locales au Sénégal : le nombre de suffrages valablement exprimé pour les élections locales de mars 2009 a été de 2.109.498, soit une baisse de 38%, par rapport à 2007, soit 1.315.428 électeurs de moins, malgré la proximité des élections locales avec les citoyens-électeurs. Enfin, l’année 2010 avec la révision exceptionnelle du fichier électoral d’une durée de six mois, du 01 février au 31 juillet 2010, sans aucune possibilité pour de nouveaux électeurs de s’inscrire, puisque la fabrication des cartes nationales d’identité est arrêtée depuis huit mois. Ainsi, nous constatons qu’entre 2000 et 2010, le fichier électoral sénégalais a subi deux mutations majeures (2000 et 2004), une modification structurelle de taille (2009), et un changement potentiel de son contenu (2010).

Il apparaît donc clairement, qu’à chaque échéance politique importante la forme, le contenu ou la structure du fichier électoral est modifiée par le régime libéral. Dès lors, dans l’appréciation qui sera faite sur la fiabilité du fichier électoral, il sera intéressant d’étudier et de comprendre : d’une part, l’option politique qui a sous-tendu ces restructurations successives qui remettent en cause la stabilité, la permanence et l’intégrité de ses structures de traitement et de données. D’autre part, le passage brusque de 3.424.926 suffrages exprimés à la présidentielle de février 2007 aux 2.109.498 suffrages exprimés aux élections locales de mars 2009, soit une réduction de 38%.

Le fichier électoral sénégalais est-il fiable ? La réponse est NON.

Le fichier électoral n’est pas fiable pour les raisons évidentes ci-après :

Le premier facteur est le climat politique délétère dans lequel notre pays est installé depuis plusieurs années, avec l’année 2007 comme point focal, sanctionné par le boycott des élections législatives. Ce climat a généré une suspicion extrême et une absence de confiance entre les partis politiques au pouvoir (PDS et ses alliés) et l’opposition réunie autour de Bennoo Siggil Senegaal. A ce climat, s’ajoute une divergence fondamentale sur l’organe chargé d’organiser les élections : Ministère de l’Intérieur pour la coalition au pouvoir et Agence de Régulation de la Démocratie (ARD) pour Bennoo Siggil Senegaal, qui doute de l’impartialité du Ministère de l’Intérieur.

Le second facteur est l’inexistence d’un système d’état civil fiable et sécurisé, qui a comme conséquence notre incapacité collective à résoudre de manière fiable, les trois équations posées par la loi électorale :

  • Qui sont ceux qui détiennent la nationalité sénégalaise ?
  • Parmi eux, qui sont ceux qui jouissent de leurs droits civiques ?
  • Qui sont les étrangers naturalisés sénégalais ?

Naturellement, la réforme de l’état civil demandera du talent et un vrai courage politique, parce qu’elle exige un consensus national de tous les acteurs de la vie politique et sociale sur des sujets sensibles : en particulier, il faudra procéder à des réformes institutionnelles majeures et modifier certaines lois comme le code des collectivités locales ou le code de la famille, vrai serpent de mer pour les hommes politiques ! Il faudra aussi moderniser la gestion des collectivités locales, dont la plupart sont d’ailleurs dirigées par des élus de la liste de Bennoo Siggil Senegaal. Mais l’Etat devra engager des chantiers d’envergure, dans la sensibilisation, la formation, la construction d’infrastructures dans toutes les collectivités locales pour sécuriser l’état civil. Il faudra aussi moderniser la Justice, pour disposer d’un fichier national des interdits de vote. Enfin, il va falloir gérer le problème sensible des étrangers présents dans le fichier national d’identité, grâce à leurs extraits de naissance tout en évitant de sombrer dans un piège semblable à l’ivoirité.

Le troisième facteur est consubstantiel à la conception même du fichier électoral, lié au facteur précédent et qui autorise son modèle physique à intégrer des données invalides, comme les dates de naissance libres. Des personnes ont pu s’inscrire dans le fichier électoral avec le seul extrait de naissance, sans le certificat de nationalité.

Le quatrième facteur est le mode d’inscription des électeurs qui a montré des limites objectives: en effet, pour la refonte de 2004, le Sénégal a opté pour une inscription volontaire du citoyen-électeur dans des commissions administratives réparties sur le territoire national. Il est souvent arrivé durant cette procédure, que le citoyen-électeur qui a suivi toute la procédure d’inscription, se voit rejeter au bout du processus (n’aura pas la carte d’électeur), parce tout simplement, les données le concernant ont été corrompues lors du transfert des fiches et fichiers images de la commission administrative vers la DAF, sans qu’il ait en retour un quelconque information sur l’état de sa demande d’inscription.

Si le système d’état civil actuel du Sénégal ne permet pas de partir des données émanant des collectivités locales, pour inscrire les électeurs, il devient urgent que notre pays, pour améliorer son système d’inscription électorale, pourrait adopter une solution mixte qui d’une part, sécurise à la source l’inscription volontaire des citoyens-électeurs, d’autre part, intègre la technique du recensement physique des électeurs à partir du répertoire national des localités du Sénégal, actualisé par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie. Pour la sécurisation du système d’inscription volontaire dans les commissions administratives, une application se saisie décentralisée avec un contrôle biométrique pourrait être mise en place.

Le cinquième facteur est le mode de distribution des cartes d’électeurs qui a aussi montré des limites objectives. L’aiguillage et la gestion ordonnée des cartes d’électeur dans les commissions de distribution a présenté beaucoup de failles où le sort de plus d’un million de cartes d’électeurs non distribuées, a fait l’objet d’une large polémique en 2007.

Il apparaît donc clairement, que la traçabilité des informations sur le citoyen-électeur est difficilement assurée sur toute la chaine d’inscription et de distribution des cartes d’électeur. En outre, pour qu’il y’ait fiabilité, il doit exister une conformité rigoureuse (bijective) entre l’ensemble des électeurs inscrits dans le fichier électoral et l’ensemble des sénégalais disposants de la carte d’électeur. Ce qui est loin d’être le cas.

Mieux, l’ensemble des sénégalais qui se sont déplacés avec succès dans les commissions d’inscription devraient disposer de la carte d’électeur. Et plus tard, avec la réforme de l’état civil, tous les sénégalais qui jouissent de leurs droits civiques devraient pouvoir jouir de leur droit Constitutionnel de vote, en disposant de la possibilité de voter avec leur carte unique d’identité nationale.

A présent, la question est de savoir si on peut organiser en 2012 au Sénégal, des élections libres, transparentes et sincères, à partir d’un fichier électoral dont tous les observateurs avertis et les spécialistes sérieux s’accordent à dire qu’il n’est pas fiable ? La réponse est à l’évidence oui. En quoi faisant alors ? D’abord en procédant à un audit global des huit composantes du cycle électoral, dont le fichier électoral.

Audit du processus électoral sénégalais

Pour l’audit du processus électoral, les experts de Bennoo Siggil Senegaal ont adopté avec ceux de l’Union Européenne et de l’USAID, une méthodologie d’audit qui repose sur les normes du COBIT (Control Objectives for Information and related Technology), outil fédérateur qui intègre des référentiels comme l’ISO ou l’ITIL. C’est donc avec la plus grande rigueur que l’équipe des experts de Bennoo Siggil Senegaal, a discuté, amendé et validé la démarche méthodologique et les termes de références de la mission. Car, dans ce secteur précis de l’audit des systèmes d’informations, il n’y a pas de place au tâtonnement et à l’amateurisme, car les méthodes sont normalisées pour permettre à des experts situés dans des endroits différents de la planète de communiquer, de collaborer et de coordonner leurs actions. Naturellement, en tant qu’acteurs politiques, les experts de Bennoo Siggil Senegaal ont pris toute la mesure de la dimension politique de cette mission. Par conséquent, ils se sont préparés en prenant toutes les précautions et dispositions adéquates. Voici les quatre grands ensembles des termes de référence de l’audit des composantes du cycle électoral, conjointement adoptés avec les experts de l’Union Européenne et de l’Usaid :

1. Revue du concept opérationnel du système d’inscription des électeurs (cadre légal, cadre réglementaire, procédures, identification des points de contrôle, nature de l’évidence documentaire relative à chaque point de contrôle)

2. Revue de la chaîne d’inscription des électeurs (activités des Commissions administratives d’inscription, activités de la DAF, processus de traitement des données, analyses et décisions sur les dossiers litigieux, production des listes électorales provisoires, production des cartes d’électeur, distribution des cartes d’électeur, activités des Commissions administratives de distribution des cartes d’électeur, activités de supervision et de contrôle de